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Rentrée scolaire : le casse-tête des élèves transgenres au Royaume-Uni

La plupart des établissements n’autoriseraient jamais leurs élèves à changer d’option sans avoir la signature d’au moins un parent sur le formulaire idoine, mais certains leur permettent de changer de genre sans même en informer les familles.

Malgré un projet d’orientation, le gouvernement Starmer tarde à donner des directives claires aux établissements. Une absence de cadre officiel laissant les enseignants démunis et vulnérables à la propagande des militants.

Voici venue la rentrée des classes outre-Manche et les enseignants n’ont toujours pas de directives fermes du gouvernement sur ce qu’il convient de faire quand un enfant leur annonce qu’il est transgenre. Combien de jeunes auront changé de pronoms durant les vacances d’été ? Nul ne le sait, mais le fait est que la plupart des collèges britanniques ont déjà leurs « enfants trans ». En avril 2022, une « enquête représentative » menée auprès d’enseignants du secondaire révélait que près de 80 % des établissements comptaient au moins un élève transgenre ou non binaire dans leurs effectifs. Et la plupart des sondés de constater un phénomène en augmentation…

Je suis moi-même prof de collège et ces résultats cadrent avec mon expérience personnelle. Le souci étant que si j’essaye, avec mes collègues, de faire tout mon possible pour aider ces jeunes, nous avons désespérément besoin d’un avis officiel sur la bonne marche à suivre. Parmi les problèmes les plus graves et urgents à régler : les toilettes, les vestiaires ou encore l’endroit où faire dormir ces enfants quand on les emmène en voyage scolaire.

Le lobby LGBT+, en revanche, s’est empressé de nous donner ses recommandations. Selon une « boîte à outils » validée par un grand nombre d’associations, les jeunes devraient pouvoir « utiliser les toilettes qu’ils préfèrent » et, en cas de dortoirs séparés entre garçons et filles, « dormir là où ils se sentent le plus à l’aise ». En d’autres termes, c’est un beau bazar.

Malheureusement, le silence du nouveau gouvernement travailliste de Keir Starmer est assourdissant. Et il n’a absolument aucune excuse. Le précédent gouvernement conservateur avait publié un projet d’orientation en décembre 2023 et lancé une consultation pour recueillir l’avis des parents, des enseignants, des chefs d’établissement, des élèves et des professionnels de santé. Il en avait résulté un document tout à fait sensé et étayé par les conclusions scientifiques du rapport Cass.

Ce projet d’orientation faisait de sa priorité la sauvegarde et – par-dessus tout – le devoir des écoles de protéger le bien-être de tous les enfants. Les enfants transgenres ne sont pas les seuls dans l’histoire. Un enfant allant dans ses toilettes préférées ôte à tous les autres leur droit à profiter de toilettes non mixtes. Le texte rappelait également aux établissements leurs obligations légales spécifiques « cadrées par le sexe biologique de l’enfant », et les informait qu’il n’y avait par ailleurs aucune obligation générale à permettre à un enfant d’effectuer une transition sociale. Et qu’en cas d’une éventuelle transition, les parents n’avaient pas à être exclus des décisions prises par le milieu scolaire.

Que cela ait besoin d’être précisé est stupéfiant. La plupart des établissements n’autoriseraient jamais leurs élèves à changer d’option sans avoir la signature d’au moins un parent sur le formulaire idoine, mais certains leur permettent de changer de genre sans même en informer les familles. Une étude menée par Policy Exchange, un groupe de réflexion britannique de premier plan, révélait qu’en 2023, les établissements scolaires n’informaient pas à tous les coups les parents si un élève exprimait le souhait de changer de genre, et que seuls 28 % des parents étaient contactés si leur enfant faisait part d’une détresse liée à son genre à l’école.

La consultation sur le nouveau projet d’orientation s’est achevée en mars. Et depuis ? Rien. En attendant, chaque établissement fait ce qu’il pense être le mieux, mais cela n’a rien d’une panacée. Un récent sondage réalisé auprès des enseignants révélait que la plupart d’entre eux (57 %) n’avaient même pas lu le projet d’orientation, six mois après sa publication. Et ceux qui en ont pris connaissance ne sont guère élogieux : selon 63 % d’entre eux, le document est « davantage source de division que d’assistance », et seulement 16 % se disent satisfaits des clarifications apportées.

Ces enseignants sont sans doute animés des meilleures intentions, mais ils se bercent d’illusions s’ils pensent que les enfants sont en capacité de comprendre ce que signifie réellement une transition. Le National Education Union (NEU), le premier syndicat enseignant britannique, s’est rallié à cette folie. Au début de l’année, la conférence du NEU a même décidé de « faire campagne et de faire pression sur le gouvernement » pour qu’il abandonne ces directives. Parmi les plus gros motifs de mécontentement des délégués alors présents, celle qui veut que les parents devraient presque toujours être mis au courant si un enfant exprime son souhait d’effectuer une transition sociale à l’école. Pour citer un de ces représentants, il en va d’un « déchet réactionnaire », car « refuser de permettre une transition prudente, mais précoce, est délétère ».

Un autre : « J’ai eu dans ma classe un élève qui avait fait une transition pendant les vacances d’été entre la deuxième et la troisième année [soit vers 7 ans]. Aucun élève de la communauté n’a eu de problème ou n’a été affecté de quelque manière que ce soit. Tous ont très facilement changé les pronoms qu’ils employaient pour s’adresser à lui. »

Certes. Sauf que les enfants ne peuvent pas changer de sexe. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est vivre dans un paysage de fantaisie, une illusion qui sera de plus en plus difficile à supporter à mesure que leur corps se développera avec la puberté. Un processus inéluctable – l’interdiction temporaire des bloqueurs de puberté a été prolongée par le gouvernement et s’applique désormais à l’ensemble du Royaume-Uni. Ces médicaments sont désormais inaccessibles aux enfants trans souhaitant retarder les plans de la nature. On peut au moins reconnaître au gouvernement Starmer d’avoir eu la sagesse et le courage de prendre cette décision. L’utilisation de puissants médicaments anticancéreux – hors autorisation – pour perturber la puberté naturelle d’enfants en bonne santé était un scandale, qui perdure aujourd’hui dans d’autres pays.

Les établissements scolaires, eux, demeurent dans le vague. Car quand le gouvernement prend son temps pour répondre à la consultation, les écoles sont laissées à elles-mêmes. Sans doute que certains chefs d’établissement agiront de manière responsable, en décourageant les enfants d’entreprendre une transition tout en impliquant les parents à chaque étape. Face à des parents et des enfants inflexibles, ils prendront en compte les besoins des autres élèves, tout en veillant à éradiquer tout harcèlement et autres problèmes de discipline.

Mais nous ne pouvons pas espérer voir tous les établissements adopter une approche aussi sage. Les délégués de la NEU sont assez représentatifs du corps enseignant. Dans les établissements où la réalité du sexe biologique est niée, les enfants continueront à transitionner sans qu’on réfléchisse trop aux conséquences. Autant d’établissements où les directives gouvernementales sont pour le moins attendues.

Des directives qui ne sont pas censées avoir force de loi – ne pas les respecter ne constituera pas en soi une infraction pénale. L’idée, du moins dans le projet, était de donner une orientation aux établissements, pas des obligations. Même dans ce cas, cela sera d’une grande aide pour les enseignants pensant nécessaire une appréhension beaucoup plus prudente de la transition des mineurs. Difficile de s’exprimer quand toute la culture de votre établissement voudrait ce changement pour tout de suite, et les inquiétudes pour plus tard. Quand vous pouvez vous référer à un document officiel statuant du bien-fondé de votre façon de voir les choses, c’est déjà plus facile.

L’idée que des enfants puissent être trans est nouvelle, et ses conséquences à long terme sont inconnues. Elle n’est cependant pas conseillée et les écoles n’ont pas à la faciliter. Si les établissements l’autorisent, alors les parents doivent être impliqués dès le départ. Une position qui ne devrait être ni clivante ni controversée. Il s’agit d’une approche raisonnable qui assure la sécurité des enfants. Que Keir Starmer accélère la réponse de son gouvernement à la consultation afin que les directives puissent arriver dans les écoles au plus tôt.


Par Debbie Hayton (traduction par Peggy Sastre)

Debbie Hayton enseigne la physique dans le secondaire, où elle est aussi syndicaliste. Journaliste et autrice, son dernier livre, Transsexual Apostate : My Journey Back to Reality, vient de sortir chez Forum Press. Vous pouvez la suivre sur X (ex-Twitter).

* Cette traduction a été publiée pour la première fois par Le Point le 1 Septembre 2024 : Rentrée scolaire : le casse-tête des élèves transgenres au Royaume-Uni.

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By Debbie Hayton

Physics teacher and trade unionist.

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