Entre idéologie victimaire absurde, chirurgies contestées et rainbow-washing, la Pride fait de plus en plus débat outre-Manche.
Il semblerait que l’idéologie du genre soit en train de marquer le pas – du moins au Royaume-Uni. Nous sommes en juin, mois des fiertés, mais l’événement fait nettement moins parler de lui cet été que les années précédentes.
De fait, la Pride a depuis longtemps dépassé ses origines : une manifestation de gays et de lesbiennes protestant contre les discriminations et le harcèlement, jadis monnaie bien trop courante. Sauf qu’aujourd’hui leurs droits sont solidement ancrés dans la législation nationale et protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
D’un combat pour l’égalité à une foire aux identités
Mais tout événement a besoin d’un but, et la Pride s’en est trouvé de nouveaux. L’acronyme LGB s’est enrichi, accueillant d’abord un T pour les personnes transgenres – sans s’arrêter là. À date, le dictionnaire Webster recense l’abréviation LGBTQQIA, qui désigne les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement (sur leur identité sexuelle ou de genre), intersexuées, mais aussi asexuelles, aromantiques et agenres.
Difficile de comprendre pourquoi des personnes asexuelles – qui, selon la définition, ne ressentent ni désir ni attirance sexuels – auraient à redouter harcèlement ou discrimination. Peut-être y a-t-il désormais une certaine puissance à se dire victime, et la Pride semble avoir érigé en priorité la défense de ceux qui se reconnaissent dans cette posture. Les personnes aromantiques, quant à elles, peuvent avoir une libido, mais ne ressentiraient pas d’attachement amoureux – là encore, si l’on en croit les définitions les plus courantes. Autrement dit, des amateurs de sexe sans sentiments. Des victimes ?
Le soutien des entreprises : naïveté ou calcul opportuniste ?
Toutefois, cela n’a pas dissuadé les entreprises de débourser des sommes importantes pour sponsoriser les événements de la Pride – et elles persistent. Cette année encore, parmi les partenaires commerciaux de la Pride de Londres, on retrouve Coca-Cola, Deutsche Bank, Lidl, ainsi qu’un cortège d’autres grandes enseignes. Le maire de Londres et le conseil municipal de Westminster comptent également parmi les soutiens officiels. La Pride s’est ainsi imposée comme un passage obligé de l’establishment.
Mais, ailleurs au Royaume-Uni, l’enthousiasme semble retomber. On a ainsi récemment appris que la Pride annuelle de Liverpool, tout comme sa March with Pride, avait été annulée en raison de « difficultés financières et organisationnelles majeures ». D’après le conseil d’administration, la hausse des coûts combinée à la raréfaction des financements publics, tant locaux que nationaux, a rendu impossible la tenue de l’événement cette année.
Peut-être certaines entreprises commencent-elles à comprendre que brandir l’arc-en-ciel LGBTQQIA n’est pas forcément le moyen le plus avisé de faire étalage de leurs vertus ? Car derrière le « T » de l’acronyme se profile un mouvement qui a trouvé un écho inquiétant chez des enfants en proie à des doutes sur leur sexualité ou simplement angoissés à l’idée de grandir. Les prétendus « soins d’affirmation de genre » – incluant des interventions chirurgicales lourdes, irréversibles et mutilantes – sont l’aboutissement le plus choquant de l’idéologie du genre.
Une chirurgienne plastique irlandaise installée aux États-Unis et très présente sur les réseaux sociaux s’est donné le surnom de « Dr Teetus Deletus » – en référence à l’ablation chirurgicale de tissus mammaires pourtant sains. De son vrai nom Sidhbh Gallagher, elle affirme réaliser jusqu’à 500 interventions de ce type par an. En moyenne et chaque mois, en 2022, c’est une mineure de moins de 18 ans qui aurait été opérée de la sorte.
Le Dr Gallagher serait peut-être inspirée d’allouer une partie de ses revenus à sa défense juridique. En janvier dernier, Donald Trump a signé un décret interdisant aux jeunes de moins de 19 ans de recourir à des traitements dits d’affirmation de genre. Depuis, le FBI incite ouvertement la population à signaler les professionnels de santé qui prennent en charge des mineurs. Le 2 juin, le compte officiel du Bureau fédéral relayait ainsi cette mise en garde : « Comme l’a martelé le ministre de la Justice, nous protégerons nos enfants et poursuivrons ceux qui, sous le couvert de soins affirmant le genre, les mutilent. »
Quel que soit le sort réservé aux chirurgiens qui se sont enrichis en prélevant des tissus sains sur des jeunes en détresse, les entreprises auraient tout intérêt à peser davantage leurs choix en matière de parrainages événementiels. Leur réputation risquerait fort d’en subir les conséquences, et pas nécessairement à leur avantage.
Si le maire de Londres et le conseil municipal de Westminster maintiennent leur soutien à la Pride, d’autres collectivités britanniques prennent aujourd’hui une tout autre voie. Lors des élections locales de mai dernier, le parti eurosceptique Reform UK, fondé par Nigel Farage, a décroché la majorité absolue dans dix conseils locaux anglais, notamment ceux du Kent et de Durham.
Cet été, le conseil du comté de Kent ne hissera pas le drapeau arc-en-ciel. Linden Kemkaran, sa présidente, a indiqué que sa nouvelle administration n’avait pas de temps à perdre avec les « groupes d’intérêts particuliers » ni avec les drapeaux censés les symboliser.
De son côté, le nouveau vice-président du conseil du comté de Durham a défendu le retrait du drapeau LGBTQ+ Pride devant le siège de l’institution. Darren Grimes, lui-même gay, a précisé que son parti n’avait rien contre les homosexuels mais qu’il était simplement « contre la diversité de façade ». Grimes s’est dit fier que le conseil fasse flotter ensemble l’Union Jack, le drapeau anglais, et celui du comté de Durham, estimant qu’« arborer [leurs] drapeaux nationaux et locaux est un acte fédérateur. Les remplacer par des symboles politiques réservés à quelques-uns n’est qu’une variante supplémentaire d’une politique identitaire toxique ».
Voilà qui tranche nettement avec la politique menée ces dix dernières années, lorsque les administrations semblaient prêtes à tout pour afficher leur soutien au lobby LGBTQQIAP (LGBTQQIA+ en France). Personnellement, je trouve ce changement plutôt salutaire, et je le dis en tant que personne transgenre. Ce lobby ne m’a jamais représentée. Parfois, j’ai même eu la désagréable impression qu’il cherchait activement à me persécuter. Je ne partage pas leur vision des choses – je ne crois pas à l’identité de genre, par exemple – et j’ai osé exprimer publiquement mes convictions. Le jour où j’ai porté un tee-shirt flanqué des mots « Les femmes transgenres sont des hommes. Faites-vous une raison ! », on a tenté de me destituer de mes fonctions électives au sein d’un mouvement syndical, sous prétexte que je propageais un prétendu discours haineux contre la communauté transgenre. Belle illustration de leur prétendue inclusivité – qui n’a manifestement jamais concerné les divergences d’opinions.
Pour ma part, je ne me sens absolument pas menacée par ces conseils municipaux qui refusent désormais de céder face à ceux qui brandissent le drapeau arc-en-ciel pour masquer leurs ambitions autoritaires. À mes yeux, la Pride a depuis longtemps cessé d’être une marche revendiquant des droits pour devenir l’instrument d’un lobby intolérant, avide de pouvoir politique. Si les entreprises et les élus commencent à s’en détourner, ce changement est tout sauf prématuré.
Par Debbie Hayton (traduction par Peggy Sastre)
Debbie Hayton enseigne la physique dans le secondaire, où elle est aussi syndicaliste. Journaliste et autrice, son dernier livre, Transsexual Apostate : My Journey Back to Reality, vient de sortir chez Forum Press. Vous pouvez la suivre sur X (ex-Twitter).
* Cette article a été publiée pour la première fois par Le Point le 11 juin 2025 : Dérives transactivistes : le drapeau arc-en-ciel vacille au Royaume-Uni.